Au début des années soixante, lorsqu''il entreprit de remettre à l''honneur la cuisine de tradition gasconne, André Daguin se mit en tête de dénicher un cru local pour accompagner sa démarche. Ainsi débarqua-t-il un beau jour à Madiran : il n''y avait plus là que cinq vignerons qui, tous, vendaient en vrac leur production au négoce... En quelques mois, le pilier auscitain transforma l''essai et l''appellation entama là sa renaissance.
Le plus étonnant, c''est que de tels exemples foisonnent entre Garonne et Pyrénées : à Buzet, à Saint-Mont, à Irouléguy, à Jurançon, et même au-delà du fleuve (Cahors, Bergerac, Gaillac, Fronton...), il a suffi de quelques hommes pour faire tourner la roue du destin et redonner leur lustre à des vignobles peu à peu tombés en désuétude. Qu''il s''agisse de précurseurs audacieux (Alain Brumont à Madiran, Etienne Brana à Irouléguy, Henri Ramonteu à Jurançon, Jean-Luc Baldès à Cahors), ou de meneurs d''hommes entraînant par leur charisme de jeunes vignerons dans l''ascension vers la qualité (André Dubosc à Plaimont, Jean-Marie Hébrard à Buzet, Alain-Dominique Perrin à Cahors), la révolution doit l''essentiel à quelques caractères bien trempés.
Remettant à l''honneur des cépages anciens (le tannat à Madiran, la négrette à Fronton) ou expérimentant au contraire de ''nouvelles adéquations sur les sols gascons (Yves Grassa implantant le chardonnay au Château de Tariquet, ou cueillant le gros manseng surmûri pour élaborer une formidable cuvée « Dernières grives »), travaillant inlassablement les élevages sous bois (les frères Béraut au Château de Pellehaut), de jeunes vignerons passionnés se sont ainsi acharnés à tirer la quintessence de sols et de climats privilégiés. Le résultat ne s''est pas fait attendre : lorsque les Bordelais ont augmenté inconsidérément les tarifs du millésime 97, les acheteurs de la grande distribution se sont tournés vers d''autres vignobles pour faire leurs emplettes. Les gens du Sud-Ouest étaient prêts.
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