Pas facile de rencontrer Yves Grassa. L'homme préfère l'inconfort de son vieux quatre quatre crotté à la douceur d'un siège en cuir derrière un bureau. Je rencontre en premier lieu Benoît Vettorel, directeur du marketing de la maison Tariquet qui me conte l'histoire du domaine. 'C'est aïeul Artaud qui a découvert l'endroit en 1912. Il a fait appel à son fils Jean-Pierre Artaud, qui vivait alors à New-York, pour acquérir le domaine. Hélène, la fille de Jean-Pierre a épousé Pierre Grassa en 1946 et il sont repris en main le château du Tariquet qui ne comptait alors que cinq hectares de vignes mal entretenus...'. Ils développent l'affaire avant de la transmettre à deux de leurs enfants, Maïté (actuelle Présidente Directrice-Générale de l'entreprise) et Yves qui, par ses choix stratégique, va amener le succès.
Une position géoclimatique exceptionnelle. Le domaine est situé sur une langue de sable fauves qui donnent une excellente acidité au vin blanc. Sa position géographique et climatique est particulière : à partir de mi-août les journées restent chaudes mais les nuits fraîchissent et obligent le raisin à épaissir sa peau. Or, c'est justement cette peau qui contient tous les arômes du vin. La présence de rosée ou de brume le matin irrigue la vigne naturellement et produit un vin frais et peu alcoolisé.
|
 |
Yves Grassa fait ses armes à l'étranger. A l'institut Davis en Californie, il acquiert les techniques les plus avancées en matière de vinification et il est le premier dans la région à mettre en pratique la macération pelliculaire et la vinification à basse température qui vont conforter sa réussite. C'est Yves Grassa lui-même, enfin rencontré au détour d'un chemin, fraîchement débarqué de son véhicule tout-terrain, flanqué de sa chienne, le paquet de cigarettes dans une poche et le téléphone portable dans l'autre qui raconte la suite. 'Il faut chercher l'expression du cépage et travailler sur le précurseur aromatique qui se développe dans la peau du raisin. il faut tout faire pour empêcher la perte de ce précurseur...' Sa passion du métier est intacte : 'pour faire un bon vin, il faut d'abord un bon raisin. C'est le travail le plus important. Je surveille la vigne en permanence et ici tout est naturel. Je me moque des écolos qui préconisent d'utiliser du sulfate de cuivre : ce produit tue tout ce qui vit dans la terre. Je préfère travailler avec des molécules plus douces qui préservent la terre.' Homme de conviction il se veut à la fois moderne et respectueux de la tradition. C'est d'abord sur les marches anglo-saxons que le Tariquet connaît le succès. Yves Grassa remporte de multiples concours, en particulier à Londres en 1988 lors de l'international London Wine Challenge où plus de 4500 vins sont en compétition. En 1997, sa production part à 85% sur le marché anglo-saxons. 'Ils ont tout compris et mettent en avant le cépage et les hommes avant le terroir. En France on s'obstine à faire le contraire...' Yves Grassa applique donc cette technique marketing et chaque étiquette de vin du domaine annonce clairement le cépage.
A la conquête de la France. 'Yves sentait que le marché serait plus difficile avec l'arrivée des vins du Commonwealth.' commente Benoît Vettorel. 'Il a toujours eu une vision prospective et en 2001, il a décidé de se développer sur le marché français.' C'est aujourd'hui un autre succès. Il agrandit régulièrement le domaine, rachetant des vignes alentour. 'Il sûrement été jalousé dans les années 95, mais il a valorisé le vignoble et souvent acquis plus cher que ce qu'il valait.' Actuellement le domaine du Tariquet couvre environ mille hectares, emploie cent quinze personnes et produit 6,5 millions de bouteilles par an dont 3 millions partent à l'export dans 47 pays. C'est aussi un producteur d'Armagnac qui vend 60 000 bouteilles à l'année... Une réussite unique en son genre, essentiellement due à la qualité du vin blanc. La gamme comporte neuf cuvées différentes dont l'Ugni Blanc-Colombard est l'un des fleurons : un vin fruité, qui doit être consommé dans l'année et servi autour de 10°.
|